Précisions sur la portée des clauses limitatives de responsabilité entre un promoteur immobilier et un contrôleur technique

Auteur : Benjamin Beauverger
Publié le : 12/02/2016 12 février févr. 02 2016

Par un arrêt du 4 février 2016, la Cour de cassation est venue apporter des précisions sur la validité d'une clause de plafonnement d'indemnisation en cas de faute contractuelle du contrôleur technique vis-à-vis du promoteur immobilier.

En l'espèce, la SCI L., ayant pour maître d'ouvrage la société P. a, sous la maîtrise d'œuvre d'un architecte, fait réaliser un ensemble de villas avec piscines, vendues en l'état futur d'achèvement.

La société C. a été chargée du lot de gros œuvre et piscines et la société Q. d'une mission de contrôle technique portant sur la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement.

La SCI et la société P. ont assigné en indemnisation la société Q. à la suite d'apparition de désordres sur les piscines.

Le contrat liant la SCI L. et la société Q comprenait toutefois une clause au terme de laquelle la responsabilité de cette dernière était limitée à deux fois le montant des honoraires perçus au titre de sa mission pour laquelle sa responsabilité est retenue.

La société Q a donc opposé ladite clause à la SCI L. dans le cadre de l'action engagée à son encontre.

L'affaire avait été jugée une première fois par la Cour de cassation, laquelle avait validé la clause d'exclusion contractuelle de responsabilité solidaire du constructeur (Cass. civ. 3, 19 mars 2013, n° 11-25.266).

La cour d'appel de renvoi, quant à elle, avait qualifié la clause limitative de responsabilité prévue au contrat liant la société Q. à la SCI, de clause abusive et avait prononcé sa nullité :

 

"Dans le contrat du 2 juillet 2004 signé entre la SCI et la société Q. figure à l'article 5 du titre 1 des conditions générales une clause limitant sa responsabilité à deux fois le montant des honoraires perçus au titre de sa mission pour laquelle sa responsabilité est retenue, soit en l'espèce 26 010 € HT.

La SCI soutient que cette clause limitative de responsabilité est abusive et doit donc être déclarée non écrite.

La SCI, promoteur immobilier, est un professionnel de l'immobilier mais pas un professionnel de la construction et doit en application de l'article L132-1 du code de la consommation, être considérée comme un non professionnel vis-à-vis du contrôleur technique.

Conformément à l'article L132-1 du code de la consommation et de la recommandation du 29 mars 1990 de la commission des clauses abusives, est abusive une clause qui a pour objet de limiter l'indemnité due par le professionnel en cas d'inexécution défectueuse, partielle ou tardive de ses obligations.

La clause litigieuse a pour objet de fixer, une fois la faute contractuelle de la société Q. établie, le maximum de dommages et intérêts que le maître d'ouvrage pourra recevoir en fonction des honoraires perçus.

La clause limitative de responsabilité s'analyse en une clause de plafonnement d'indemnisation, puisque la société Q. responsable envers la SCI de toutes les fautes commises dans l'exercice de sa mission entraînant sa condamnation in solidum avec les autres locateurs à des dommages et intérêts estimés à des montants conséquents par l'arrêt confirmatif de ce chef du 28 juin 2001, pourrait opérer une limitation de l'indemnisation en fonction des honoraires reçus.

La clause de plafonnement de l'indemnisation, contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le contrôleur technique, en lui permettant de limiter les conséquences de sa responsabilité contractuelle quelles que soient les incidences de ses fautes.

En conséquence, cette clause de plafonnement de réparation en fonction des honoraires reçus constitue une clause abusive en créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du non-professionnel au sens de l'article L.132-1 du code de la consommation.

Elle doit donc être déclarée nulle et de nul effet
".

(CA Montpellier, 23 octobre 2014, n° 13/04143)

Formant un nouveau pourvoi, la société Q. soutenait que seules peuvent être qualifiées d'abusives les clauses insérées dans un contrat entre un professionnel et un consommateur ou un non-professionnel, ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.


L'article L. 132-1 du Code de la consommation dispose en effet que :
 
"Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

(...)

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

(...)
".


Selon la société Q., n'a pas la qualité de consommateur ou de non-professionnel, la personne ayant conclu un contrat en rapport direct avec son activité professionnelle.

De surcroit, elle soutenait que la clause querellée était licite dès lors qu'elle n'aboutissait pas à réduire l'indemnisation à un montant dérisoire au regard des obligations corrélatives de l'autre partie.

En dépit de ces arguments, la Cour suprême a rejeté le pourvoi selon les termes suivants :

"Attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la SCI, promoteur immobilier, était un professionnel de l'immobilier mais pas un professionnel de la construction, la cour d'appel a pu retenir que celle-ci devait être considérée comme un non-professionnel vis-à-vis du contrôleur technique en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, à bon droit, que la clause ayant pour objet de fixer, une fois la faute contractuelle de la société Q. établie, le maximum de dommages-intérêts que le maître d'ouvrage pourrait recevoir en fonction des honoraires perçus, s'analysait en une clause de plafonnement d'indemnisation et, contredisant la portée de l'obligation essentielle souscrite par le contrôleur technique en lui permettant de limiter les conséquences de sa responsabilité contractuelle quelles que soient les incidences de ses fautes, constituait une clause abusive, qui devait être déclarée nulle et de nul effet, la cour d'appel a légalement justifié sa décision
"

(C. Cass, 3° ch. Civ, 4 février 2016, n° 14-29347)


Ainsi, la Cour de cassation vient préciser qu'un promoteur immobilier n'est pas un professionnel de la construction, de sorte que les dispositions de  l'article L. 132-1 du Code de la consommation trouvent à s'appliquer en l'espèce.

De surcroit elle rappelle que la clause litigieuse contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le contrôleur technique en lui permettant de limiter les conséquences de sa responsabilité contractuelle.

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