La réaffirmation de la responsabilité sans faute des départements en cas de suspension de l’agrément d’une assistante maternelle s’avérant ultérieurement injustifiée

Auteur : Régis CONSTANS
Publié le : 21/02/2017 21 février févr. 02 2017


Depuis quelques années la jurisprudence administrative a mené un travail de construction intellectuelle pour pallier les conséquences d’une situation profondément injuste.

En effet, si le Président du Conseil Départemental est tenu, par une sorte d’application du principe de précaution, de suspendre l’agrément d’une assistante maternelle ou familiale lorsqu’il y a des doutes pour le bien-être et la santé des enfants accueillis, il n’en demeure pas moins que si, ultérieurement, les doutes sont levés par la Justice, l’assistante maternelle a subi un réel préjudice.

Or, compte tenu des éléments à sa disposition à la date à laquelle il a statué sur la suspension de l’agrément, il est délicat d’imputer une quelconque faute au Président du Conseil Départemental.

Ne reste donc comme solution, que de reconnaître cette absence de faute, mais, dans le même temps, d’instaurer un mécanisme de responsabilité sans faute.
C’est dans une affaire de cette nature que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a eu à statuer.

Il a d’abord rappelé le modus operandi en la matière :

« 7. Considérant qu’en application de l’article L.421-6 du code de l’action sociale et des familles, le président du département peut, en cas d'urgence, suspendre l’agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel, en se fondant sur des éléments suffisamment précis et vraisemblables, permettant de suspecter que les conditions d'accueil garantissant la sécurité, la santé et l'épanouissement du ou des enfants accueillis ne sont plus remplies ; que l’illégalité d’une telle mesure de suspension constitue une faute pouvant engager la responsabilité du département ; que, dans le cas où, sans que cette suspension soit illégale, la suspicion qui l’avait motivée n’est pas confirmée, les griefs s’étant révélés par la suite infondés, l’intéressé, qui subit de ce fait un préjudice grave et spécial, est ainsi contraint de supporter, dans l’intérêt général, une charge qu’il ne doit pas normalement assumer et dont il est, par suite, fondé à demander réparation à la collectivité ».

Faisant application de ces principes au cas d’espèce, le Tribunal est venu juger que :
« si la décision de suspendre, à titre conservatoire, l’agrément d’assistante maternelle de Mme G. était légalement justifiée dans l’urgence par la préoccupation de l'intérêt des enfants accueillis par Mme G., les circonstances ont ensuite révélé que l'administration a fait peser sur cette dernière une charge anormale en lui faisant supporter les conséquences financières de cette décision alors même que le juge d’instruction n’avait pas retiré à Mme G. la possibilité de garde d’enfant, que les nombreux témoignages des parents des enfants dont elle a la garde soulignent le professionnalisme de Mme G. et la confiance qu’ils ont continué à lui témoigner et que la décision du juge des référés du 23 août 2016, devenue définitive, dès lors que le département n’a pas fait appel, a conduit à ce que l’agrément de Mme G. lui soit restitué ; qu’elle a ainsi depuis lors, repris l’exercice de ses fonctions, étant amenée à accueillir des enfants en tant qu’assistante maternelle ; qu’il résulte du compte rendu de la visite à domicile effectuée le 30 août 2016 que Mme G. a « un discours adapté où réflexion, prise de recul et émotions sont présents » et « qu’elle parait à même d’assurer son activité professionnelle ce jour » ; qu’enfin l’évaluation psychologique réalisée le 25 novembre 2016 a conclu que Mme G. semble psychiquement en mesure de poursuivre son activité d’assistante maternelle ; qu’ainsi, la suspicion qui avait motivé la suspension de Mme G. n’étant pas confirmée, l’intéressée, qui a subi de ce fait un préjudice grave et spécial, est contrainte de supporter, dans l’intérêt général, une charge qu’elle ne doit pas normalement assumer et dont elle est, par suite, fondé à demander réparation au département » (TA Clermont Ferrand, 16 février 2017, n° 1601366).
 
Il est aussi intéressant de relever que si le Tribunal a donné satisfaction à la requérante, sur le terrain de l’indemnisation de son préjudice financier (perte de rémunération pendant la période de suspension injustifiée), en revanche, il a écarté ses demandes au titre de l’indemnisation d’un préjudice moral en retenant que la cause dudit préjudice résidait dans sa mise en examen et que cela n’est pas imputable au Département.

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