Le principe général du reclassement de l’agent inapte… ne s’applique pas aux stagiaires

Auteur : Régis CONSTANS
Publié le : 21/11/2016 21 novembre nov. 11 2016

Depuis quelques années la jurisprudence administrative avait étendu, par le biais d’un principe général du droit, l’obligation de procéder au reclassement des agents publics inaptes à leur emploi, à des catégories pour lesquelles la loi n’avait pas imposé une telle obligation.

Il en avait été ainsi pour les contractuels de droit public (CE, 26 février 2007, ANPE, n° 276863) et certaines cours administratives d’appel en avaient aussi fait application aux fonctionnaires stagiaires (par exemple, CAA Marseille, 10 mai 2011, n° 08MA03836 ou CAA Versailles, 1er avril 2014, n° 12VE01799).

La Cour administrative d’appel de Paris avait même jugé :
« 9. Considérant qu'il résulte d'un principe général du droit, applicable, notamment, et contrairement à ce que soutient la commune de Vitry-sur-Seine, aux fonctionnaires stagiaires, que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un agent se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement » (CAA Paris, 10 décembre 2013, n° 12PA01500).

Toutefois, compte tenu de la situation particulière des fonctionnaires stagiaires, qui sont dans une situation probatoire et provisoire, le Conseil d’Etat a décidé d’infirmer cette solution.

Par un arrêt du 17 février 2016, il est venu juger que :
« 5. Considérant que si, en vertu d'un principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires, en cas d'inaptitude physique définitive, médicalement constatée, à occuper un emploi, il appartient à l'employeur de reclasser l'intéressé dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer son licenciement dans les conditions qui lui sont applicables, ni ce principe général ni les dispositions citées ci-dessus de la loi du 11 janvier 1984 et du décret du 7 octobre 1994 ne confèrent aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, un droit à être reclassés dans l'attente d'une titularisation pour toute inaptitude physique définitive » (CE, 17 février 2016, Belkhir, n° 381429).
 
Faisant application du revirement de jurisprudence susmentionné du Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel de Versailles, vers laquelle le Conseil d’Etat avait renvoyé l’affaire afin qu’elle soit tranchée au fond, a jugé :

« 13. Considérant que si, en vertu d'un principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires, en cas d'inaptitude physique définitive, médicalement constatée, à occuper un emploi, il appartient à l'employeur de reclasser l'intéressé dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer son licenciement dans les conditions qui lui sont applicables, ni ce principe général ni les dispositions citées ci-dessus de la loi du 11 janvier 1984 et du décret du 7 octobre 1994 ne confèrent aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, un droit à être reclassés dans l'attente d'une titularisation pour toute inaptitude physique définitive ; que l'article 37 du décret du 9 mai 1995 prévoit seulement la possibilité d'un reclassement pour les élèves et les fonctionnaires stagiaires des services actifs de la police nationale lorsqu'ils ont été blessés dans l'exercice d'une mission de police ;
14. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que M.C..., qui était gardien de la paix stagiaire, ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre de l'arrêté attaqué du 26 mai 2011 du principal général du droit susmentionné ; que, par ailleurs, compte tenu de la situation particulière des fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article 37 du décret du 9 mai 1995 susvisé, qui prévoient seulement la possibilité d'un reclassement pour les élèves et les fonctionnaires stagiaires des services actifs de la police nationale lorsqu'ils ont été blessés dans l'exercice d'une mission de police, seraient contraires au principe d'égalité »
(CAA Versailles, 3 novembre 2016, Belkhir, n° 16VE00683).
 
Cette solution s’inscrit dans une logique évidente : le fonctionnaire stagiaire doit, pendant le stage, démontrer sa capacité à occuper un emploi ; si, en cours de stage, il se révèle inapte à occuper cet emploi, compte tenu du caractère probatoire et provisoire de la période de stage, il n’y a pas, sauf disposition spécifique dérogatoire, d’obligation de le reclasser.

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