Une seule inspection après 35 ans de service ne peut justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle

Auteur : Régis Constans
Publié le : 16/03/2016 16 mars mars 03 2016

La détermination de l’existence d’une insuffisance professionnelle est lourde de sens. Alors que l’agent qui commet des manquements à ses obligations professionnelles peut se voir sanctionner de toute une échelle de sanctions allant de l’avertissement à la révocation, le constat d’une insuffisance professionnelle ne peut conduire qu’à une seule solution, la plus radicale. L’agent dont l’insuffisance professionnelle est caractérisée ne peut en effet qu’être licencié.

L’on comprend donc que l’employeur public doit être étroitement contrôlé lorsqu’il cherche à caractériser l’insuffisance professionnelle de l’un de ses agents.

Dans un dossier porté par notre cabinet, un enseignant non titulaire d’une commune, affecté au centre de formation des apprentis, a, dans un climat de conflit social, été l’objet de sa première inspection au bout de 35 ans de carrière. Cet enseignant, dont les qualités professionnelles n’avaient, jusque là jamais été remises en cause par son employeur et dont les élèves obtenaient régulièrement de bonnes notes aux examens, a eu un rapport d’inspection défavorable relevant certaines carences dans sa méthode pédagogique. Prenant prétexte de ce rapport, la commune a immédiatement pris un licenciement pour insuffisance professionnelle, ce que l’enseignant a bien évidemment contesté.

 

La Cour administrative d’appel de Marseille a jugé :

« 1. Considérant que M. C...A..., agent non titulaire de la commune de Sète, a été recruté le 16 octobre 1976 en qualité de professeur de mathématiques, sciences et technologie et affecté au centre de formation des apprentis de Sète ; qu'il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2012, par lequel le maire de Sète l'a licencié pour insuffisance professionnelle ;
 

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a fait l'objet d'une inspection pédagogique le 18 juin 2012 à laquelle il s'est opposé en refusant de dispenser son cours aux apprentis ; que le rapport de visite des inspecteurs du 27 juin 2012 établi à partir des supports pédagogiques de l'enseignant et des travaux des élèves, indique que l'enseignement de sciences physiques est absent alors que celui de mathématiques est trop réducteur ; qu'il est également reproché à M. A...de ne pas tenir compte des recommandations pédagogiques nationales pour favoriser l'appétence et l'activité pour les matières scientifiques ; que, toutefois, en raison de son caractère ponctuel et limité, une inspection, si elle peut révéler des insuffisances auxquelles l'enseignant doit être invité à remédier, ne saurait, sauf carences particulièrement graves ou persistantes déjà constatées, suffire à fonder une mesure de licenciement ; que si le rapport d'inspection du 27 juin 2012 met en évidence des carences professionnelles de M.A..., il ne démontre pas à lui seul une insuffisance professionnelle de nature à justifier un licenciement, alors que la commune de Sète ne fait état d'aucune mauvaise évaluation depuis que M. A...occupe ses fonctions d'enseignant, soit depuis 35 ans, et que l'intéressé, dont il est constant qu'il faisait pour la première fois l'objet d'une inspection, n'avait jamais auparavant fait l'objet de remarques sur sa manière d'enseigner ; que les faits reprochés à M. A...ne sont donc pas de nature à justifier légalement une mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle ; que dans ces conditions et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2012 du maire de Sète le licenciant pour insuffisance professionnelle
»           
(CAA Marseille, 12 juin 2015, Rossi, n° 14MA02911).

 

Le raisonnement tenu par la Cour met en balance la durée des services antérieurs (35 ans) et l’absence de critiques sur la manière de servir pendant cette longue période avec le caractère ponctuel de l’inspection pédagogique qui, même dans l’hypothèse où des carences sont observées, ne devrait aboutir qu’à des préconisations à l’enseignant, mais en aucun cas à un licenciement pour insuffisance professionnelle.

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