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L’absence d’urgence à suspendre une décision d’installer une crèche de la nativité au siège d’une collectivité

Publié le : 05/01/2017 05 janvier janv. 01 2017

Depuis quelques années un débat nourri a eu lieu entre les différentes juridictions administratives relativement à l’installation de crèches de la nativité dans les bâtiments publics. Se posait notamment la question centrale de la compatibilité de telles installations avec la loi de 1905.

Par un arrêt du 9 novembre 2016, le Conseil d’Etat, en formation solennelle, a tranché le conflit qui a opposé les juges du fond quant au caractère cultuel ou culturel d’une crèche de la nativité installée dans un bâtiment public. A cette occasion, à défaut d’apporter une réponse univoque à cette question, il a apporté aux juges du fond qui seront appelées dorénavant à juger de telles affaires, des critères d’appréciation.

Procédant à une analyse circonstanciée des faits, le Conseil d’Etat a rappelé que les dispositions de la loi de 1905 « qui ont pour objet d’assurer la neutralité des personnes publiques à l’égard des cultes, s’opposent à l’installation par celles-ci, dans un emplacement public, d’un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d’un culte ou marquant une préférence religieuse. Elles ménagent néanmoins des exceptions à cette interdiction. Ainsi, est notamment réservée la possibilité pour les personnes publiques d’apposer de tels signes ou emblèmes dans un emplacement public à titre d’exposition. En outre, en prévoyant que l’interdiction qu’il a édictée ne s’appliquerait que pour l’avenir, le législateur a préservé les signes et emblèmes religieux existants à la date de l’entrée en vigueur de la loi ».

Cela a conduit la Haute Juridiction à constater qu’« une crèche de Noël est une représentation susceptible de revêtir une pluralité de significations. Il s’agit en effet d’une scène qui fait partie de l’iconographie chrétienne et qui, par là, présente un caractère religieux. Mais il s’agit aussi d’un élément faisant partie des décorations et illustrations qui accompagnent traditionnellement, sans signification religieuse particulière, les fêtes de fin d’année ».

Dès lors, « eu égard à cette pluralité de significations, l’installation d’une crèche de Noël, à titre temporaire, à l’initiative d’une personne publique, dans un emplacement public, n’est légalement possible que lorsqu’elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse. Pour porter cette dernière appréciation, il y a lieu de tenir compte non seulement du contexte, qui doit être dépourvu de tout élément de prosélytisme, des conditions particulières de cette installation, de l’existence ou de l’absence d’usages locaux, mais aussi du lieu de cette installation. A cet égard, la situation est différente, selon qu’il s’agit d’un bâtiment public, siège d’une collectivité publique ou d’un service public, ou d’un autre emplacement public ».

En conséquence, « dans l’enceinte des bâtiments publics, sièges d’une collectivité publique ou d’un service public, le fait pour une personne publique de procéder à l’installation d’une crèche de Noël ne peut, en l’absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, être regardé comme conforme aux exigences qui découlent du principe de neutralité des personnes publiques » mais, qu’« à l’inverse, dans les autres emplacements publics, eu égard au caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année notamment sur la voie publique, l’installation à cette occasion et durant cette période d’une crèche de Noël par une personne publique est possible, dès lors qu’elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse » (CE, 9 novembre 2016, commune de Melun, n° 395122).

Comme l’on pouvait s’y attendre, cette décision du 9 novembre 2016 n’a pas épuisé le sujet.
Preuve en est l’ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon le 17 décembre 2016, relativement à une demande de suspension de la décision du président de la Région auvergne-Rhône-Alpes d’installer une crèche de la nativité au sein même de l’hôtel de région.
S’il ne faisait peu de doute quant à l’illégalité d’une telle décision au regard des critères récemment fixés par le Conseil d’Etat (absence de circonstances particulières permettant de reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif), pour autant, le juge des référés a rejeté la demande de suspension en relevant « que l’allégation concernant un risque de trouble à l’ordre public n’est assortie d’aucune précision ni d’aucune justification tendant à démontrer l’existence de circonstances particulières induisant un tel risque que l’installation de cette crèche aurait provoqué ; que, par ailleurs, la circonstance que le tribunal ne pourra pas se prononcer sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision contestée avant qu’elle ait produit tous ses effets ne saurait, à elle seule, caractériser une situation d’urgence » (TA Lyon, ord, 17 décembre 2016, Ligue française des droits de l’homme et du citoyen, n° 1609064).

Il en résulte que, sauf circonstances particulières, les décisions d’installer des crèches de la nativité au siège de collectivités locales, quand bien même elles seraient manifestement illégales, ne pourront être suspendues pour défaut d’urgence.
Le débat devant les juridictions administratives n’aura donc aucune efficacité pratique et des décisions interviendront, plusieurs mois, voire plusieurs années après que les crèches aient été enlevées, pour simplement observer que le Droit n’a pas été respecté.

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